L’Avenir – 29/10/19

Ce 29 octobre, c’est le magnifique article rédigé par Benjamin Hermann qui est sorti. Une très chouette rencontre, qu’on peut ressentir dans les lignes qui suivent. Un tout grand merci à lui. 

 

CAROLINE OFFRE UNE NOUVELLE VIE A LA PEAU DES POISSONS

L’Avenir

Benjamin Hermann

29 OCTOBRE 2019

La Liégeoise Caroline Caucheteur a créé « Peaux de Pêche », une tannerie artisanale qui valorise les déchets de peau de poisson. Tout a commencé par une remise en question professionnelle et quelques coups de pouce du destin.

Il y a de ces clins d’oeil qui ne trompent pas. « Ma première adresse à Liège était située quai des Tanneurs », glisse Caroline Caucheteur. « Et l’origine étymologique de mon nom, « Caucheteur », signifie fabricant de chaussures ou de chaussettes. »

A 34 ans, cette ancienne professionnelle de l’évènementiel et du secteur socioculturel a choisi de se consacrer à la tannerie. Celle des peaux de poisson, précisément.

Originaire de Morlanwelz dans le Hainaut, Caroline Caucheteur est Liégeoise d’adoption depuis 2006. Après avoir perdu son emploi durant l’été 2018, elle a décidé de mener ce projet qui germait depuis plusieurs mois dans un recoin de sa tête. 

Des Racines et des Ailes

«Tout a démarré en regardant Des Racines et des Ailes», se souvient-elle. «J’y ai découvert une tanneuse de peaux de poisson du bassin d’Arcachon.» Intuitivement, elle a senti que cette voie pouvait lui correspondre, d’autant plus que le secteur collait avec trois de ses compétences: une formation artistique, de l’expérience dans l’événementiel/socioculturel et diplôme en écopédagogie.

Après quelques contacts peu fructueux avec des spécialistes, c’est à nouveau l’émission Des Racines et des Ailes qui est venue à sa rescousse, de manière fortuite. «J’y ai découvert l’existence d’une autre tanneuse et de son mari cordonnier sur l’île d’Aix (Charente-Maritime). Le lendemain matin, je lui téléphonais pour lui demander son aide.» La dynamique était enclenchée.

Du cuir de poisson écoresponsable

Caroline Caucheteur a commencé à tanner en avril dernier, expérimentant cet art avec patience et détermination. Depuis quelques semaines, elle est installée dans les Ateliers Dony, dans le quartier Saint-Léonard, où cohabitent des créateurs de tous horizons. Encadrée par l’agence-conseil Step Entreprendre, elle en est encore au stade de la construction du projet Peaux de Pêche. L’activité commerciale à proprement parler sera lancée en janvier 2020.

Le projet s’inscrit pleinement dans une démarche écoresponsable. «Je récupère des peaux de poisson auparavant destinées à être jetées, dans le but de leur offrir une nouvelle vie.» Ces peaux sont donc transformées en cuir, pour des applications variées: maroquinerie, design, design textile, bijouterie, décoration, abat-jour, etc.

À l’heure actuelle, elle fabrique des cuirs à base des peaux de truites de la pisciculture Commanderie 7 à Fouron-Saint-Pierre et de saumons de l’Artisan du Saumon à Boirs (Bassenge). En 2020, l’artisane souhaite étendre sa gamme avec des peaux de sole, «de la véritable soie», et de bar, un poisson désormais élevé sur les toits des abattoirs d’Anderlecht.

Je propose une alternative aux cuirs exotiques, de serpents ou de crocodiles par exemple.

Du cuir local, à partir de peaux récupérées auprès d’artisans de la région, se basant sur des produits respectueux de l’environnement, à destination de créateurs et maroquiniers qualitatifs: Caroline Caucheteur entend défendre une vision responsable de la tannerie, à travers Peaux de Pêche. «Le but consiste aussi à proposer une alternative aux cuirs exotiques, de serpents ou de crocodiles par exemple. Qu’on laisse vivre ces animaux», glisse-t-elle, comme pour affirmer sa vision du métier.

La fabrication du cuir

La peau de poisson peut a priori sembler trop fragile pour la fabrication de cuir. Elle présente pourtant des propriétés intéressantes. «À épaisseur égale, la peau de saumon est plus résistante que celle de veau par exemple.»

Les coloris, les textures, l’utilisation ou non des écailles, etc.: le cuir de poisson recouvre une gamme très variée de produits. Mais dans les grandes lignes, le travail de Caroline Caucheteur se déroule en quelques grandes étapes: écharnage et écaillage, pour ne garder que la peau, puis «ce qu’on appelle le picklage. Je trempe la peau dans un bain d’eau et de vinaigre.» C’est lors de cette dernière étape que le collagène est extrait, ce qui permet la disparition des odeurs.

«Le poisson est mort, mais on travaille néanmoins sur un produit vivant. C’est à ce stade qu’on commence le tannage à proprement parler, en plongeant les peaux dans deux, trois ou quatre bains», agrémentés de tanins naturels. Viennent ensuite les procédés de séchage et d’assouplissement, puis l’utilisation de produits qui vont nourrir le cuir. «À ce stade aussi, je n’utilise que des produits naturels. Pour l’instant, j’opte pour la cire d’abeille et l’huile de jojoba», précise la Liégeoise.

Réduire les déchets

Toujours dans une optique de réduction de son empreinte environnementale, la tanneuse liégeoise met en place des mesures pour la réutilisation de ses propres déchets, après la fabrication du cuir.

«Les chairs de poisson que je récupère, je les congèle puis les fournis à un menuisier, qui essaie de s’en servir pour faire de la colle.» Elle aimerait aussi récupérer les pigments utilisés pour les réinjecter dans la fabrication de peintures. À plus long terme, elle envisage également la récupération des écailles, par exemple pour leurs propriétés ornementales dans le monde de la bijouterie.

 

Les dernières actualités

Découvrez ici les dernières actualités de Peaux de Pêche.